Non,moi, cela m'est arrivé dix ou quinze fois cette année
au dortoir dans une sorte de demi-sommeil, si instinctivement que je m'en souvenais à peine au réveil.

Et voilà!l'orage quitte en même temps mon corps et ma chambre.s'éloigne et me laisse lassée au creux du lit.lassée mais non rassasiée,hélas!

L'orage a mis le domaine sans dessus-dessous:
deux cocotiers rompus, trois orangers déracinées, des vitres cassées, le sol jonché de débris de tuiles et de branches...
Dans tout ce vacarme,mes soupirs et même mes cris(j'ai certainement crié) sont passées bien inaperçus.
Quoi qu'il en soit,je suis restée au lit,incapable de remuer pied ni patte...

En me réveillant le lendemain matin,j'ai vu qu'il était tard à l'éclat des rayons du soleil qui passaient par les persiennes, juste en face de mon lit.

Emeline,m'a femme de chambre guettait mon réveil,elle me salua d'un sourire un peu inquiet.
Dans cette lumière de chapelle, sa mobile immobilité, son mouvement retenu vers moi, son visage attentif, me furent un instant très doux de retour au monde.

-Linette, j'ai été malade?

Sans répondre,elle approche sa chaise du lit, et pose une main sur mon front,puis mes joues,une main douce et fraîche.
Elle a un regard pour le lit bouleversé, le traversin en bataille, la couette à terre,et se penche vers moi:

-Vous avez trop fait hier,mademoiselle...
Je me faisais du soucis pour vous.
je vais refaire le lit,vous ne pouvez pas encore vous lever,aussi fièvreuse que vous êtes.

-Ma mère est partie?

-voyons,mademoiselle, on est mercredi,votre mère est à son cours de yoga, avec son amie suzy.

où ai-je la tête?!il n'est que 9heures, elle ne rentrera pas avant midi.
j'ai largement le temps de prendre un petit déjeuner,et de me débarbouiller.

C'est vrai que je suis très mal dans ce lit.
j'ai certainement passé une mauvaise nuit, rêvé, bougé, et Dieu sait quoi!
le drap du dessus est en désordre autour de moi, celui du dessous est tout froissé, et ma chemise (je le sens avec un peu de honte et beaucoup de plaisir) est remontée sur mes cuisses.
Linette commence à défroisser le drap, effleurant de l'autre mes cheveux et mes lèvres.
D'un geste,je retiens cette main contre mon visage, je la couvre de baisers, je murmure:

-Embrasse-moi ma linette,ma linette,aime moi...