Tout cela me met le sang en ravage comme dirait Emmeline!Raconter,raconter!Ce n'est pas vivre!Si je dîne encore longtemps de "regardelles" comme en ce moment, je serai bonne un jour pour l'asile!
Une chose est sûre:il est rare maintenant que je referme ce cahier sans m'être caressée, en l'écrivant ou en le relisant.

Je ne vais pas toujours jusqu'au bout, mais c'est devenu une habitude, et certains jours une frénésie.Je l'ai remarqué: c'est particulièrement dans la semaine où je suis indisposée que cette frénésie me tient. Je rôde à travers le domaine et le parc en espérant confusément y surprendre une aventure rapide et brutale, du genre de celle de Monsieur Duverger et Linette, ou même simplement un domestique débraguetté, ou l'âne, ou un cheval comme celui du bois. J'ai des bouffées de chaleur, je suis à la fois lourde et brûlantes, assaillie d'images obscènes parmi lesquelles celle de Mathéo revient invinciblement, et il arrive bientôt un moment où je dois remonter coûte que coûte dans ma chambre pour m'y abandonner au "libertinage solitaire".

Libertinage solitaire, ce n'est pas de moi, c'est dans le dictionnaire.Il faut d'abord regarder à onanisme, que connaissent toutes les couventines un peu dégourdies pour l'avoir entendu prononcé à voix basse par leur professeur.
Moi, je dis masturbation parce que je suis instruite; mais Emmeline, qui ne l'est pas, parle tout bêtement de "nous caresser" et même, dès qu'elle est un peu exilée, de "nous branler".C'est ce qu'elle demandait à Duverger, l'impudique! et qu'elle me demande maintenant à moi: "branle-moi ma petite chatte, ma tourterelle, branle-moi, j'en ai trop envie!".C'est encore arrivé hier au soir alors qu'elle venait fermer mes volets, et je ne suis pas du tout assurée que notre voisine Mathilde n'aura pas entendu des soupirs!

Mais enfin, pour revenir à mes frénésies, les caresses de femmes n'y suffiront pas, je le crains.
la preuve: voici quelques jours, dans l'état de fièvre où j'étais à l'approche de ces maudites r..., je me suis fait caresser deux fois par Emmeline dans la même journée: vers dix heures, très vite, alors que nous étions montées prendre des draps propres dans la lingerie, et dans l'après-midi,mieux(elle m'a suçoter après). Et entre-temps, c'est affreux! je me suis branlée (pour reprendre les mots d'Emmeline) cinq fois, parfois à un quart d'heure d'intervalle. j'avais beau m'affairer pour me distraire de cette obsession, prendre garde à ne pas me trouver seule dans ma chambre plus de quelques minutes, rien n'y a fait.

Le résultat de tout cela, c'est que ma mère et même mon brave papa, moins soupçonneux pourtant, me dévisagent de temps à autre en silence, mais d'un air qui signifie clairement: "cette petite, il est temps de la marier!" Car il est bien établi que le mariage est le remède infaillible à la mélancolie d'une jeune fille comme à sa nervosité, à sa langueur comme à sa pétulance...

Mon élève est plus charmant que jamais!
Il lui vient de temps en temps une grosse voix d'homme pas plaisante, mais drôle, et des gestes de cavalier servant pataud.Il nous est bien difficile de demeurer tout à fait étranger l'un à l'autre à raison de trois leçons de deux heures par semaine.Mais comment faire autrement? je ne peux tout de même pas me jeter dans ses bras!Il en serait d'ailleurs sans doute plus effrayé qu'heureux le pôvret!

J'ai la volonté de me faire avec lui, Emmeline, Mathéo (pourquoi pas?), et j'espère Mathilde, une sorte de famille secrète, une maçonnerie sans mauvais desseins plus soucieuse de se complaire que de remuer de grandes idées. Ma foi, c'est bien rafraîchissant!

Je suis retournée hier après-midi dans le vieux garage, et j'y ai longtemps rêvasser, sans être dérangée cette fois par des vagabons en mal d'amour. A la reflexion, c'est moi qui le suis, en mal d'amour.
Faut-il l'avouer?Est-ce cette odeur de vieux son qui m'est monté à la tête?
Plutôt je crois de souvenir de mon ami d'enfance, de mon frère, d'Emmeline enfourchant Mathéo, Duverger...Toujours est -il que je me suis branlée las-bas avec un immense plaisir...
Il m'est venu beaucoup d'humeur, et mes doigts sentaient une odeur animale.
Je crois qu'en vérité, et sans l'avoir compris, je n'y étais allé que pour cela...

 

 

A suivre...