Je suis partie de chez moi hier vers pour récupérer mon portable qui était en réparation. Je me demande toujours comment j'ai pu arriver à châtelet et claquer 160 euros dans des boutiques de fringues avant de rentrer.

Il me faut encore une paire de bottes marron, quelques hauts noirs et blancs et enfin de la lingerie. J'ai le droit, moi. Je n'avais pas encore profité des soldes...enfin, pas assez. Shopping, shopping, c'est trop dur de résister. Surtout quand je me rends compte de la différence de prix (énorme) qu'il y a entre Paris et Fort-de-France...

Dans le métro en rentrant, il y avait une bande de six jeunes africains.
Le wagon était bondé et à cette heure tout le monde avait l'air fatigué. Ils parlaient très fort, criaient, se chamaillaient et s'esclaffaient en tapant du pied.
Je me suis sentie profondément mal à l'aise, et en colère.
Les gens semblaient exaspérés par leur attitude et moi, j'avais envie de leur crier de se calmer.
Parce qu'ils donnaient une mauvaise image de nous.
Parce que quand on est noir, on doit prouver plus.
Quand on est déjà en faute, on évite de se faire remarquer.
C'est ce que j'ai pensé, sur le coup.

Sauf que ces jeunes n'avaient rien à prouver. Ils sont tels qu'ils sont. Ce n'est pas une tare d'être noir et ils n'ont aucune raison de se faire tout petits.
Ils faisaient les cons dans le métro, ils avaient cette attitude de gamins parce que justement ce sont des gamins. Ca aurait été une bande de jeunes blancs se serait pareil.

Et j'ai eu envie de me mettre des gifles. Parce que j'ai eu honte d'eux.
Avoir honte d'eux, c'est comme avoir honte de moi-même.
C'est fou.

Je dis m'accepter telle que je suis et être fière de ma couleur de peau mais...peut être que je pense comme ça parce que généralement on me trouve jolie.
Peut être que si j'étais laide j'aurais haïs ce nez trop épaté, cette bouche trop charnue et ces cheveux crépus, peut être que je n'aurais pas accepté mon physique et que j'aurais détesté être noire.Mais celui qui se trouve laid, généralement, ne s'accepte pas, quelque soit la couleur de sa peau, et veut toujours être quelqu'un d'autre, n'est ce pas?

N'empêche, c'est du beau ça!

Bien sûr je m'aime comme je suis et pour rien au monde je ne voudrais changer de couleur de peau mais, il arrive que je me surprenne à penser...Comme j'ai de la chance d'avoir une peau chocolat et pas ébène ! Un petit nez pas trop épaté et des cheveux qui bouclent quand ils sont mouillés !
Etre noire, oui...mais pas trop.
On nous a tellement dit qu'être noir ce n'était pas beau !

Je suis hypocrite.
Hypocrite parce que je me plais à défendre ma couleur, mes origines, ma culture : le Black Power ! Et pourtant je suis soulagée de ne pas avoir un physique trop marqué par des traits négroïdes ! 
Au fond de moi, on y regardant bien, j'éprouve toujours une petite pointe de satisfaction quand on me fait remarqué que ça saute aux yeux que je suis antillaise (et donc, PAS africaine).

Bien sûr, ces traumatismes sont les vestiges de l'esclavage mais, est-ce vraiment pardonnable ?
Le racisme entre noirs, entre antillais plus précisément (je parle de ce que je connais) est latent. Les antillais méprisent souvent ouvertement les africains et les haïtiens, trop foncés, trop pauvres. 
Pour ce qui est de la couleur de la peau, il existe de nombreuses insultes et moqueries aux Antilles
Par exemple: un "chabin" est un antillais à la peau très claire, appeler quelqu'un "chabin lan nuit" (C'est du créole, le T se prononce à la fin) "Chabin de nuit" est une insulte qui sous-entend que l'individu a une peau très foncée, ce qui équivaudrait bien au fameux "sale nègre!".
Les cheveux trop crépus sont comparés à de la paille de fer, avec eux on pourrait très bien faire la vaisselle...on peut aussi appeler ironiquement une jeune fille "chabine" (féminin de chabin) alors qu'elle est au contraire très foncée, ect, ect...

A défaut d'avoir des chaînes aux pieds, on en a dans la tête.
Des chaînes qui nous briment alors même qu'on se croit libéré de tous préjugés.
Des séquelles de l'esclavage, de l'apartheid, l'inégalité, tout cela est bien présent dans notre vie quotidienne et j'avoue, moi je dois lutter chaque jour pour m'assumer en tant que jeune femme noire et me libérer du poids de l'histoire.